L’extension QGIS pour les continuités écologiques / TVB

Ne bougez plus ! Si vous cherchez à cartographier les continuités écologiques (TVB : trame verte et bleue), l’extension ultime de QGIS est là ! Et elle est disponible librement !

Dans cet article invité, Mathieu Chailloux, ingénieur en développement informatique à l’INRAE (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) nous présente l’extension QGIS BioDispersal, qu’il développe depuis 2018.

Après une présentation des continuités écologiques et des méthodes pour les cartographier, Mathieu nous présente le plugin QGIS BioDispersal, et illustre son utilisation avec un exemple simple permettant de bien appréhender l’utilisation de cet outil !

Cet article vous est proposé par : 

Mathieu CHAILLOUX

Mathieu CHAILLOUX

INRAE - UMR TETIS

Développeur – géomaticien

www.umr-tetis.fr
Mail : mathieu.chailloux@inrae.fr
Tél dir. : +33 (0)4 67 54 87 70
Tél std. : +33 (0)4 67 54 87 54

Les continuités écologiques permettent la conceptualisation et la définition d’un réseau écologique fonctionnel, implémenté en France par la politique de Trame verte et bleue (TVB). Le Centre de ressources Trame verte et bleue a notamment pour mission d’accompagner les différents acteurs de la TVB et d’organiser le transfert de connaissances du monde de la recherche vers l’opérationnel.

BioDispersal – une extension QGIS 3 – a été développé dans l’optique de fournir un outil intuitif et simple d’utilisation pour appliquer les méthodes de cartographie de la TVB se basant sur la notion de perméabilité des milieux.

La trame verte et bleue

Lutter contre la fragmentation du paysage

Parmi les principales causes de l’érosion de la biodiversité on trouve la destruction des habitats naturels et la fragmentation du paysage. S’il existe depuis longtemps des dispositifs pour sanctuariser des zones à enjeu (parc nationaux, réserves naturelles, …), la réponse à la problématique de la fragmentation de ces espaces protégés entre eux, s’est développée récemment par la notion de réseau écologique.

Un réseau écologique correspond à l’ensemble des infrastructures naturelles (physiques et fonctionnelles) qui permettent aux espèces d’accomplir leur cycle de vie.

Illustration des continuités écologiques – Source : COMOP TVB

Le concept de réseau écologique s’est traduit en France par le lancement d’une politique nationale : la Trame verte et bleue (TVB). Elle définit des réservoirs de biodiversité et des corridors écologiques qui peuvent être de différents types : linéaire (haies, ripisylves), en pas japonais (mares, bosquets, …) ou paysager (ensemble des milieux favorables au déplacements des espèces).

Un outil d’aménagement du territoire

La Trame verte et bleue est un outil d’aménagement durable du territoire qui vise à intégrer les enjeux de biodiversité.

Pour répondre à la spécificité des espèces, mais aussi au besoin d’opérationnalité induit par un outil d’aménagement, l’approche suggérée est de fonctionner par sous-trames : les cortèges d’espèces aux caractéristiques proches et évoluant dans les mêmes milieux sont réunis par sous-trame.

Illustration des sous-trame des TVB – Source : COMOP TVB

La Trame verte et bleue se décline à plusieurs échelles, pour des raisons biologiques (un cerf ne parcourt pas le même territoire qu’un triton par exemple) et administratives.

Elle est donc intégrée dans les schémas d’aménagement à différents niveaux comme par exemple : les SRADDET (ex-SRCE) pour les régions, les ScoT pour les intercommunalités, jusqu’aux PLU pour les communes. L’échelle inférieure doit prendre en compte les continuités écologiques du niveau supérieur et les redécliner à son échelle.

Les méthodes de cartographie

A une échelle très locale, il est souvent suffisant de procéder par connaissance du terrain et photo-interprétation pour définir une TVB.

A plus large échelle, les outils géomatiques ont commencé à être utilisés, comme par exemple la méthode de dilatation-érosion.

Illustration de la méthode de dilatation-érosion pour la définition d’une TVB

Les méthodes les plus récentes se basent sur la notion de perméabilité des milieux, c’est-à-dire à quel point un milieu naturel est favorable au déplacement de l’espèce considérée.

En se basant sur cette notion, plusieurs méthodes ont été développées comme les aires potentielles de dispersion (corridors surfaciques), les chemins de moindre coût (corridors linéaires), les graphes paysagers ou encore les circuits électriques.

La méthode : perméabilité des milieux et aires de dispersion

Pour appliquer efficacement les méthodes se basant sur la perméabilité des milieux, il faut que les données soient au format raster.

La perméabilité des milieux

La perméabilité d’un milieu naturel pour une espèce ou une sous-trame considérée, représente la capacité de cette espèce à se déplacer ce milieu. Ce déplacement peut être freiné par des facteurs physiques (cours d’eau infranchissable, route avec fort trafic, …) ou par le manque d’attractivité du milieu (évitement des milieux ouverts trop exposés à la prédation pour certaines espèces forestières par exemple).

Cas d’exemple pour la caractérisation d’une TVB

Dans l’exemple ci-dessus (données vecteur qui sont rastérisées), il y a 5 milieux à caractériser :

  • milieux forestiers ;
  • milieux agricoles ;
  • le bâti ;
  • la route ;
  • et la rivière.

L’idée est alors d’évaluer à quel point ces milieux sont favorables au déplacement de l’espèce ou la sous-trame étudiée.

 

Supposons que l’espèce cible est une espèce forestière. Son milieu structurant (habitat naturel) est donc la forêt, et par convention on lui attribue un coefficient de 1.

On considère maintenant les milieux agricoles et on évalue qu’ils sont 10 fois moins perméables (c’est-à-dire que l’espèce peut parcourir 10 fois plus de distance en milieu forestier qu’en milieu agricole.

Enfin, on considère les autres milieux comme imperméables et on leur attribue un coefficient très élevé, ici 100, mais ce pourrait être plus.

Cela nous donne alors la matrice de perméabilité ci-dessous.

Cas d’exemple – Coefficients de perméabilité

Ces coefficients de perméabilite (parfois appelés coefficients de friction ou de résistance) doivent bien sûr être calibrés. Initialement construits à dire d’expert, il faut ensuite vérifier leur pertinence sur le terrain au regard des premiers résultats et les modifier si nécessaire.

Comment utiliser BioDispersal ?

Des tutoriels d’utilisation de l’extension sont disponibles en vidéo, sur YouTube !

Les aires potentielles de dispersion

Une fois la matrice de perméabilité constituée l’objectif est de cartographier les aires potentielles de dispersion, c’est-à-dire les espaces atteignables depuis des réservoirs de biodiversité déjà identifiés, en se basant sur la notion de coûts cumulés.

Ci-dessous un exemple de calcul de coût cumulé (c’est-à-dire coût minimal) pour chaque case (on a zoomé au centre du territoire) par rapport à la case centrale.

Cas d’exemple – Calcul des coûts cumulés

Pour calculer les aires potentielles de dispersion, il est nécessaire d’avoir déjà identifié les réservoirs de biodiversité (cases avec un cerf ci-dessous) et de définir une capacité maximale de dispersion.

Cas d’exemple – Dispersion : réservoirs de biodiversité

Les espaces atteignables depuis un réservoir de biodiversité, à un côut moindre que la capacité maximale de dispersion, sont alors calculés (pixels en vert clair) et peuvent alors être interprétés comme des corridors surfaciques.

On voit alors dans l’exemple que le réservoir central est connecté au réservoir au nord-ouest mais pas à celui au sud-est.

Cas d’exemple – Dispersion : corridors écologiques (capacité max = 15)

La capacité maximale de dispersion est définie en fonction notamment de la résolution de la couche raster qui représente la matrice de perméabilité.

Ainsi, dans le cas de notre exemple avec une capacité maximale de 15, si la résolution d’un pixel est de 20 mètres cela signifie que l’espèce peut parcourir :

  • (15 * 20) / 1 = 300 mètres en milieu forestier ;
  • (15 * 20) / 10 = 30 mètres en milieu agricole ;
  • et (15 * 20) / 100 = 3 mètres pour les autres milieux.

 

La formule est :

capacité mètres = (capacité max * résolution) / coefficient milieu

BioDispersal : une extension QGIS pour cartographier les aires potentielles de dispersion

Pour accompagner le développement et l’utilisation de cette méthode, le Centre de ressources Trame verte et bleue a identifié le besoin de développer un outil SIG libre et gratuit à destination de tous les acteurs de la TVB, y compris les plus petites structures. BioDispersal a donc été développé avec l’objectif de faciliter et accompagner au mieux l’utilisateur.

Icone de BioDispersal dans QGIS

BioDispersal est une extension QGIS 3 qu’il est possible d’installer en 2 clics via le menu Extensions de QGIS. Une icône de cerf apparaît alors pour lancer l’interface graphique.

Icone de BioDispersal

L’interface graphique

L’interface graphique est composée de plusieurs éléments :

  • les icônes de gestion du projet en haut (configuration sauvegardable et réutilisable sur un autre ordinateur si la hiérarchie de fichier est la même) ;
  • le panneau d’aide à droite ;
  • la barre de progression en bas ;
  • le panneau principal avec un onglet par étape. Certains onglets comme celui ci-dessous (étape finale de calcul des aires de dispersion) contiennent une table permettant de vérifier le paramétrage actuel avant de lancer le traitement correspondant.

Interface graphique de BioDispersal

La chaîne de traitement étape par étape

BioDispersal définit une procédure en 7 étapes depuis les données brutes jusqu’au résultat cartographique final :

 

1. Définition des paramètres généraux : zone d’emprise, système de projection et surtout résolution raster (qui définit la précision du calcul, les ressources nécessaires, et dont dépend le choix de la capacité maximale de dispersion).

2. Choix des sous-trames : la chaîne de traitement va être réalisée pour chaque sous-trame, avec ainsi un résultat cartographique par sous-trame.

3. Sélection et classification des données : cette étape permet de sélectionner, classifier (selon la thématique et le niveau de perméabilité) et uniformiser (reprojection et rastérisation) les données.

4. Fusion : l’ordre de fusion des données peut changer pour chaque sous-trame selon leur importance. Par exemple les rivières au-dessus des routes pour une sous-trame aquatique (en-dessous sinon).

Cas d’exemple – Fusion des données

5. Définition des coefficients de friction : ils sont définis pour chaque poste d’occupation du sol et pour chaque sous-trame. Le tableau de coefficients est exportable au format CSV afin de faciliter les échanges entre les différents acteurs d’un projet TVB car ils sont amenés à évoluer au cours d’un projet (consultations et calibration nécessaire).

6. Pondération de coefficients de friction : l’outil propose plusieurs modes de pondération des coefficients, par exemple en appliquant un coefficient multiplicateur en fonction de la pente ou encore de la distance à certains éléments comme les routes ou le bâti. L’image ci-dessous montre la pondération par la distance aux routes (les légendes ne sont pas exactement les mêmes mais on voit l’apparition d’une zone tampon autour des routes).

Utiliser BioDispersal

Pour cartographier les continuités écologiques avec QGIS !

Exemple de pondération par la distance aux routes

7. Calcul des aires potentielles de dispersion : l’étape finale consiste à calculer les aires potentielles de dispersion pour chaque sous-trame depuis les réservoirs de biodiversité et en fonction d’une capacité maximale de dispersion.

Exemple d’aires potentielles de dispersion (capacité de 1000 à gauche et 3000 à droite)

Pour aller plus loin

Interopérabilité

La perméabilité des milieux est une notion de base à plusieurs méthodes de cartographie des continuités écologiques. La couche de coefficients de perméabilité est donc souvent une donnée d’entrée des outils utilisant cette méthode mais sa constitution n’est pas triviale.

BioDispersal est donc un bon moyen de réaliser les prétraitements avant de basculer sur d’autres outils.

 

Parmi ces outils, on peut notamment citer :

  • Graphab qui permet de construire des graphes paysagers et ainsi de calculer des métriques permettant de caractériser l’état d’un réseau écologique. L’algorithme Export to Graphab est disponible dans la boîte à outils de traitements afin de garantir la compatibilité de la couche de friction produite par BioDispersal avec Graphab.
  • Circuitscape qui permet d’appliquer la méthode des circuits électriques qui assimile les déplacements d’espèces à l’intensité d’un courant électrique. Cette méthode est plus difficile à mettre en place sur de larges territoires mais permet une approche complémentaire.

Auteur de l’article : 

Mathieu CHAILLOUX

Mathieu CHAILLOUX

INRAE - UMR TETIS

Développeur – géomaticien

www.umr-tetis.fr
Mail : mathieu.chailloux@inrae.fr
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